Encore un an de retard pour l'EPR Flamanville

26/07/2018 23:15

 

EPR de Flamanville : Nouveau retard d'un an, le coût grimpe de 400 millions d'euros

EDF indique avoir contrôlé 148 des 150 soudures. Parmi elles, 33 « présentent des écarts de qualité et vont faire l’objet d’une réparation » tandis que 20 autres vont être refaites car elles ne respectent pas les exigences « de haute qualité » définies par EDF même si elles ne présentent pas de défaut à proprement parler.

Dix autres soudures nécessiteront une « justification spécifique » auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). A la suite des nouveaux retards de Flamanville, le gouvernement a aussitôt confirmé qu’il entendait repousser d’autant la fermeture programmée de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), doyenne du parc nucléaire français.

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Le Monde | - 04.07.2018

Nucléaire : EDF confirme que l’EPR aura du retard

Le groupe ne se prononce pas de manière précise sur le délai, conséquence d’anomalies détectées sur des soudures.

Un retard supplémentaire. Les problèmes de soudure annoncés en avril auront bien « un impact » sur la date de mise en service du réacteur nucléaire en construction, a fait savoir, mercredi 4 juillet, EDF qui, jusqu’alors, ne parlait que d’un « éventuel » retard supplémentaire.

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« Ce qu’on sait, c’est qu’il y aura un impact sur le planning du projet. En revanche, c’est beaucoup trop tôt pour le caractériser », a déclaré le directeur des aménagements de ce chantier Bertrand Michoud, lors d’une commission locale d’information réunissant industriels, Autorité de sûreté nucléaire (ASN), élus locaux, syndicats et associations, aux Pieux, à côté de Flamanville. « L’ordre de grandeur, c’est quelques mois », a-t-il ajouté.

En mai, EDF avait dit envisager quelques mois de retard. L’industriel assure ne pouvoir en dire plus tant que les discussions avec l’ASN sur la façon dont doivent être réparées les soudures ne sont pas closes.

Une porte-parole du groupe à Paris a précisé mercredi qu’il n’y avait « aucune information nouvelle concernant l’EPR de Flamanville 3 » par rapport à ce qui avait été annoncé fin mai.

« Les échanges avec l’Autorité de sûreté nucléaire relatifs aux écarts de qualité sur certaines soudures du circuit secondaire se poursuivent », a-t-elle ajouté.

Le coût officiel de l’EPR a été réévalué en 2015 à 10,5 milliards d’euros, le triple de son budget initial.

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Sept ans de retard

Depuis septembre 2015, EDF affichait un planning de démarrage à la fin de l’année 2018 pour une mise en service commerciale en 2019, soit avec sept ans de retard. Selon l’ASN, la livraison du combustible, qui devait avoir lieu cet été, est repoussée mais pourrait tout de même avoir lieu avant la fin de l’année.

Revenant sur le vol en mai de 150 cadenas posés sur des armoires contenant les matériels informatiques des systèmes de pilotage du réacteur, M. Michoud a déclaré qu’EDF n’avait « détecté aucune interférence avec la base de données du contrôle-commande ». Le contrôle-commande est constitué de l’ensemble des systèmes qui permettent de piloter une installation nucléaire. L’enquête de gendarmerie est toujours en cours, selon EDF.

Vendredi, un EPR a été raccordé avec succès au réseau électrique, à Taishan, en Chine, selon EDF et le chinois CGN, une première pour cette technologie française. Il doit encore monter en puissance progressivement avant la mise en service commerciale prévue avant 2019, selon CGN.

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le 26 juillet 2018 -  www.europe1.fr - interview

"C'est une catastrophe industrielle pour EDF"

EDF a annoncé mercredi de nouveaux retards et surcoûts pour le réacteur nucléaire EPR de Flamanville dans la Manche. Pour Yves Marignac, directeur d'une agence indépendante d'études sur l'énergie, la situation est très préoccupante.

INTERVIEW

Souvenez-vous, l'EPR de Flamanville devait initialement être livré en 2012. Finalement, il ne pourrait être prêt qu'au début de l'année 2020, pour une facture de 10,9 milliards d'euros, soit près de quatre fois plus que le montant estimé à l'origine. En effet, EDF a annoncé mercredi de nouveaux retards et surcoûts pour le réacteur nucléaire situé dans la Manche.

"Un défaut dans le management de la qualité". "Il s'agit de problèmes de qualité de soudures sur des circuits secondaires mais très importants, qui évacuent sous forme de vapeur la chaleur du réacteur vers les turbines. Ce sont des soudures qui doivent être de très bonne qualité et qui ne le sont pas", indique l'ingénieur Yves Marignac dans la Matinale d'Europe 1 jeudi. Mais selon le directeur de Wise Paris, agence indépendante d'information et d'études sur l'énergie, "la cause profonde de ce problème, c'est un vrai défaut dans le management de la qualité chez EDF, qui n'a pas permis de détecter les problèmes jusqu'au dernier moment. D'où le besoin de ré-inspecter et de faire les travaux".

"Des signaux très inquiétants". Selon l'expert, ce nouveau report - qu'il n'hésite pas à qualifier de "catastrophe industrielle" - est un très mauvais signal pour l'industriel français. "C'est le signe d'une capacité insuffisante d'EDF à réaliser des travaux lourds avec des exigences de sûreté", déplore-t-il. "On a des signaux très inquiétants sur des défauts de conformité de réacteurs. Dès aujourd'hui, je considère que la qualité de sûreté du parc (nucléaire français) se dégrade. Et ça risque de se dégrader encore", alerte l'ingénieur.

Des conséquences économiques graves. La situation, si elle est calamiteuse d'un point de vue technique, l'est également économiquement. "Tout ça grève dramatiquement les finances d'EDF. L'EPR, qui devait être le fleuron de la filière nucléaire française, qui rêvait de s'exporter partout dans le monde, est un réacteur qui, en termes de design et de conception, est pratiquement mort-né. La perspective industrielle pour l'EPR est très noire aujourd'hui. Et les conséquences pour EDF, dans sa stratégie commerciale et dans sa stratégie financière, sont extrêmement problématiques", prévient Yves Marignac, qui s'attend déjà à voir la facture s'alourdir encore un peu plus dans les mois et années à venir.

Vers un surcoût des tarifs de l'électricité ? D'ailleurs, qui va payer cette facture à rallonge ? "In fine, les consommateurs d'électricité via leurs tarifs, mais aussi les contribuables", répond le directeur de Wise Paris. "On a déjà eu ces dernières années 7 milliards de réinjection d'argent frais dans EDF et dans la filière nucléaire française par l'État. Il va falloir compenser ce nouveau retard. Ça va se traduire en partie par les prix et par des taxes, des impôts, qui vont servir à renflouer ce fleuron industriel".