Réacteur 2 - Indisponibilité de la fonction de borication, événement du 16 mai 2019, reclassé niveau 1
Parce que 2 robinets sont restés bloqués, le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Belleville (Centre Val-de-Loire) est resté sans possibilité de réguler le bore dans le circuit primaire durant une heure, mettant en jeu le contrôle de la réaction nucléaire. Moduler la concentration de bore dans le circuit primaire est en effet un des 2 moyens de garder la maîtrise sur la réaction de fission nucléaire, le bore absorbant les neutrons.
Les faits remontent à plusieurs mois. Mais l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient de reclasser l’évènement au niveau 1 de l’échelle INES qui évalue le niveau de gravité en fonction des conséquences réelles, alors qu’EDF l’avait initialement classé au plus bas niveau de l’échelle [1]. C’est donc huit mois plus tard que le public est informé de ce qu’il s’est passé sur le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire les 13 et 14 mai 2019.
Cette annonce survient juste après la levée de surveillance renforcée du site nucléaire, mise en place par l’ASN depuis septembre 2017. Hausses d’évènements significatifs, mauvaise surveillance et entretien des installations, identifications et analyses des conséquences des dégradations matérielles parcellaires, qualité des réponses à l’ASN et réactivité de l’exploitant qui laisse à désirer... Les raisons ne manquaient pas pour mettre le site sous surveillance renforcée. Le Réseau “Sortir du nucléaire“ et l’association Sortir du nucléaire Berry-Giennois-Puisaye ont déposé plainte le 20 octobre 2017 contre EDF et le directeur de la centrale.
Depuis, les évènements significatifs n’ont pas cessés pour autant. Surchauffe sous la cuve du réacteur 2, où des équipements de surveillance sont restés plusieurs heures exposés à des températures délétères pour leur fonctionnement ;baisses de pression du circuit primaire du même réacteur, qui est passée à 2 reprises en deçà du minimum autorisé ; problèmes de régulation de la température du cœur du réacteur 1, sans compter les anomalies génériques d’équipements (voir encadré à droite de cet article), les derniers évènements en date et cette annonce de reclassement tendent à montrer que la conduite et la surveillance du site nucléaire, l’entretien des équipements et la rigueur de son exploitant laissent encore à désirer et sont facteurs de dangers.
Ce que dit l’ASN :
Indisponibilité de la fonction de borication sur le réacteur 2
Publié le 17/01/2020
Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire - Réacteurs de 1300 MWe - EDF
Le 16 mai 2019, l’exploitant de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire un événement significatif pour la sûreté relatif à l’indisponibilité de la fonction borication sur le réacteur 2.
Pour contrôler la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur, l’exploitant dispose de deux moyens principaux :
- ajuster la concentration de bore dans l’eau du circuit primaire, le bore ayant la propriété d’absorber les neutrons produits par la réaction nucléaire ; le circuit permettant d’assurer cette fonction borication comporte deux voies redondantes ;
- introduire les grappes de commande dans le cœur ou les en retirer ; ces grappes de commande contiennent des matériaux absorbant les neutrons.
Dans le cas où l’un de ces moyens n’est pas disponible, les règles générales d’exploitation imposent à l’exploitant d’initier le repli du réacteur sous une heure.
Le 13 mai 2019, l’exploitant réalisait une opération de conduite sur le réacteur 2 en production. Lors de l’opération, un robinet du système permettant l’appoint en bore du circuit primaire est resté bloqué en position intermédiaire. Par mesure de précaution, le robinet a été considéré comme indisponible. La fonction borication restait néanmoins assurée par la deuxième voie redondante.
Le 14 mai 2019 à 10h24, lors de l’expertise du robinet de la première voie, une alarme signalant l’indisponibilité de la borication provoquée par la défaillance d’un robinet sur la deuxième voie redondante a rendu indisponible l’ajustement de la concentration en bore dans le circuit primaire, ce qui, selon les règles générales d’exploitation, exigeait d’engager la mise à l’arrêt du réacteur sous une heure.
Le 14 mai 2019 à 11h23, le repli de la tranche 2 a été engagé conformément aux règles générales d’exploitation.
Le 14 mai 2019 à 12h14, les moyens de borication ont été récupérés.
Cet événement n’a pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’environnement. Toutefois, l’événement a affecté la fonction de sûreté liée au contrôle de la réaction nucléaire dans le cœur du réacteur.
Initialement classé par l’exploitant au niveau 0 de de l’échelle internationale des évènements nucléaires INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité), cet évènement a été classé par l’ASN au niveau 1 à l’issue d’analyses complémentaires, en raison de l’indisponibilité de systèmes de sûreté associés.