Le Poison de La Mafia Calabraise et La Loi du Silence | Documentaire 2017
Il commence ainsi "La Ndrangheta, la mafia calabraise, a engrangé des millions d'euros grâce au trafic de déchets radioactifs"
Le journaliste Sandro Mattioli a mené une enquête approfondie sur la région du sud de l’Italie gangrénée par les déchets toxiques et la ’Ndrangheta
Il n’est pas simple de faire un reportage sur la mafia, qui reste un «pouvoir invisible». La difficulté se renforce avec la mafia calabraise qui est une organisation fonctionnant encore sur des logiques familiales, très secrètes, connaissant peu de repentis.
Aujourd’hui, la Ndrangheta, nom qu’on donne à cette organisation mafieuse née dans une région parmi les plus pauvres du sud de l’Italie, la Calabre, constitue probablement la plus puissante et la plus méconnue des organisations criminelles d’Europe.
À ce titre, le documentaire allemand de Christian Gramstadt, Le Poison de la mafia et la loi du silence, diffusé sur Arte, représente une initiative intéressante qui suscitera en France bien des surprises (notamment dans la région de Marseille évoquée dans le film pour sa dimension mafieuse souvent méconnue des Français). Il a aussi le mérite d’alerter sur un défi réel: le péril écologique représenté par le traitement illicite de déchets, y compris de déchets toxiques et même radioactifs, et ses conséquences sur la santé.
"Alors que les activistes écologistes tirent la sonnette d’alarme depuis plus de vingt ans pour que la Calabre ne devienne pas la décharge de l’Europe, les pouvoirs publics restent inactifs.
Dans le sillage du journaliste Sandro Mattioli, une enquête sur le trafic de déchets toxiques en Calabre, qui impliquerait la toute-puissante mafia locale, la ‘Ndrangheta.
En 1989, c’est par le plus grand des hasards que l’on découvre, dans un village de la province de Cosenza, en Calabre, 60 tonnes de déchets médicaux prêts à être incinérés dans un four industriel.
Un an plus tard, le bateau Rosso s’échoue près de la petite ville côtière d'Amantea. L’épave pourrait avoir servi à transporter plusieurs tonnes de déchets radioactifs évanouis dans la nature. On estime que plus de cent vaisseaux-poubelles comme celui-ci auraient disparu en Méditerranée.
D’autres déchets auraient-ils été enfouis dans la vallée de l’Oliva, où des analyses ont révélé la présence de substances nocives et de césium 137 dans les sols ?
La ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, semble être aux commandes de ce trafic lucratif. Mais alors que les activistes écologistes tirent la sonnette d’alarme depuis plus de vingt ans pour que la Calabre ne devienne pas la décharge de l’Europe, les pouvoirs publics restent inactifs. Les enquêteurs sont placardisés, les procès renvoyés aux calendes grecques et les dossiers les plus sulfureux se perdent dans les archives. Le procureur Federico Cafiero De Raho, ancien cauchemar de la Camorra napolitaine, est néanmoins décidé à donner un coup de pied dans la fourmilière.
Suivi par Christian Gramstadt, le journaliste Sandro Mattioli mène l’enquête sur ce trafic destructeur régenté par l'omerta."
Article "Le Monde"
Une belle région. La plus pauvre d’Italie, certes, mais belle. Avec ses huit cents kilomètres de littoral et ses montagnes majestueuses, la Calabre est au cœur d’une longue, solide et un brin déprimante enquête, menée par le journaliste Sandro Mattioli que Christian Gramstadt et Patrizia Venditti, les réalisateurs, ont suivi au plus près. Du port de Gioia Tauro au petit village d’Africo Nuovo, de Crotone à Reggio di Calabria, de Catanzaro à San Luca, tous trois nous montrent toute une région victime de la ’Ndrangheta, la Mafia locale.
Pire encore : à travers le très lucratif business du trafic de déchets hautement toxiques venus de toute l’Europe du Nord et parfois de Russie, certains coins de Calabre et des fonds marins proches des côtes de la région sont empoisonnés. De nombreux cas de cancer, touchant aussi bien les enfants que les adultes, font exploser les statistiques dans certains villages où des déchets toxiques sont enfouis dans les vergers, les décharges vétustes, les carrières abandonnées. « Seuls ceux qui se taisent survivent », dit un dicton local. Pourtant, face à un tel danger, des magistrats, des journalistes, des habitants osent enquêter, accuser, crier leur rage face à ce nouveau fléau.
La « décharge de l’Europe »
Mais pourquoi cette vieille organisation clanique qu’est la ’Ndrangheta s’occupe-t-elle de traitement de déchets toxiques ? « C’est un projet politique. Cela permet aux plus puissants des mafieux d’infiltrer les pouvoirs publics. De fait, ils ont acquis le statut d’industriels », indique un enquêteur.
Autrement dit, sans laisser tomber ses traditionnelles activités criminelles (du trafic d’armes à celui de la drogue, en passant par les extorsions de fonds), la Mafia locale a trouvé une nouvelle activité très lucrative, qu’elle peut mener à bien grâce, en partie, à l’hypocrisie des industriels du nord de l’Europe, qui veulent réduire le coût du traitement des déchets toxiques, au point de faire appel au crime organisé. Arsenic, phosphate, déchets métalliques radioactifs dans les sols. Matières encore plus toxiques (l’uranium enrichi) immergées à la suite de naufrages suspects, la réalité est très inquiétante.