La première centrale nucléaire flottante en Russie

07/05/2018 16:18

La Russie vient de mettre à l’eau la première centrale nucléaire entièrement flottante sur le navire baptisé l’Akademik Lomonosov. L’objectif déclaré est d’approvisionner en énergie les communautés éloignées de Sibérie. Il s’agit aussi d’un choix géostratégie pour alimenter en énergie les plateformes pétrolières dans la région et ainsi développer l’extraction de ressources fossiles dans l’Océan Arctique. Certains écologistes, comme Greenpeace, n’hésitent pas à parler de « Titanic nucléaire » ou de « Tchernobyl flottant » et craignent les conséquences humaines et environnementales graves pour le monde entier en cas d’accident. 

 

Controversé avant même d’avoir été mis à flot, le navire-centrale nucléaire Akademik Lomonosov a quitté les chantiers navals de Saint-Pétersbourg samedi dernier. Il se dirigera dans un premier temps vers le port de Moumansk en traversant la mer Baltique. C’est là-bas que les deux réacteurs seront chargés en combustible nucléaire. Après cette première escale, le navire quittera la ville portuaire pour un long voyage vers Pewek, en Sibérie orientale.

Jusqu’à 100 000 personnes alimentées en électricité

 

Selon les communiqués officiels, le bateau aura comme objectif d’approvisionner en énergie les villes et villages de certaines populations reculées. 100 000 personnes devraient être approvisionnées en électricité grâce à la centrale flottante dans les cantons de Pewek. Il s’agira également d’alimenter les plateformes pétrolières en mer, au large de cette ville. En effet, Pewek et ses 5000 habitants abritent le principal port russe de la mer de Sibérie orientale.

Mais l’idée d’une centrale nucléaire sur l’eau ne date pas d’hier. Les débuts du projet remontent à plus de 10 ans, la construction du bateau pharaonique ayant débuté le 15 avril 2007. Le navire, de 140 mètres de long, transportera un équipage composé de 70 personnes et experts en nucléaire. Cependant, l’installation aura une puissance électrique de 70 MW, ce qui est très inférieur aux centrales terrestres actuelles. En France, certains réacteurs ont une puissance électrique allant jusqu’à 1450 MW.

Des écologistes sceptiques

Les annonces des officiels russes selon lesquelles il n’y aurait aucun danger n’ont pas réussi à convaincre les observateurs du monde de l’écologie, qui craignent un accident nucléaire incontrôlable en pleine mer, dans une région particulièrement difficile d’accès. Rosatom, l’entreprise publique russe chargée du projet a assuré auprès des médias que des précautions ont été prises pour éviter tout accident nucléaire. Selon des propos rapportés par le journal Independent, les officiels ont ainsi affirmé que le navire « a été conçu avec une grande marge de sécurité qui dépasse toutes les menaces et rend les réacteurs nucléaires invincibles face aux tsunamis et autres catastrophes naturelles ». Par ailleurs, la construction respecterait toutes les exigences de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Le discours, bien rodé et mainte fois répété par les tenants de l’énergie atomique, peine pourtant à convaincre face à l’imprévisibilité des forces de la nature. À l’image de Fukushima, l’actualité récente nous enseigne que les aléas naturels peuvent être imprévisibles même en zone reconnue pour son importante activité sismique. Par ailleurs, des erreurs humaines ne peuvent pas être exclues.

D’ailleurs, les écologistes n’ont pas manqué de réagir au lancement du navire. Greenpeace a ainsi mis en garde contre d’éventuels problèmes techniques. « Le démarrage d’un réacteur nucléaire – surtout lorsqu’il s’agit d’un prototype flottant dépourvu d’enceinte en béton – constitue toujours une phase dangereuse dans le cycle de fonctionnement d’une centrale nucléaire. Tous les tubes sont-ils étanches ? Chaque soudure résistera-t-elle aux contraintes et à la pression ? L’arrêt d’urgence fonctionne-t-il ? » a questionné l’ONG indépendante, qui s’oppose depuis plusieurs années au projet.

« Un réacteur nucléaire flottant dans l’Arctique est une menace de plus pour un environnement fragile, déjà sous pression en raison du changement climatique », a par ailleurs commenté Jan Haverkamp, expert en questions nucléaires pour Greenpeace en Europe centrale et en Europe de l’est. Selon lui, il s’agit d’une « aventure hasardeuse, qui ne met pas seulement en danger la région Arctique, mais aussi, éventuellement, d’autres régions habitées ». Mais pour les experts et décideurs politiques engagés dans le projet, ces avertissements ne font pas poids face à la promesse d’accélérer le développement économique de la région et du pays grâce à l’Akademik Lomonosov. En effet, son lien direct avec la nécessité d’alimenter un pôle d’extraction de ressources fossiles en pleine mer laisse songeur sur un tel choix de développement à l’heure de la crise écologique globale.

 

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