Inspection de l'ASN du 26 11 2020 : relâchement certain pour la protection des travailleurs
Après la visite de l'ASN du 26 novembre 2020 au CNPE Belleville (Rapport complet ici)
Entre les demandes de correction (5), de compléments d'information(5) et d'observations (6),
il ressort de ce rapport :
- que le risque d'incendie ne soit toujours pas pleinement pris en considération, d'où risque pour les travailleurs
- qu'en matière de radioprotection (que la contamination soit interne ou externe), notamment pour les prestataires, un relâchement certain y est souligné !
Ci dessous, les extraits du rapport de l'inspection :
Synthèse de l’inspection
L’inspection du 26 novembre 2020 avait pour objet de vérifier les dispositions de radioprotection mises en œuvre lors des interventions en zone réalisées sur le CNPE de Belleville et notamment dans le réacteur n°1 en cours de visite décennale. Les connaissances en radioprotection de plusieurs prestataires, la propreté radiologique de diverses zones, l’état des installations et le colisage des matériels ont également fait l’objet d’un contrôle.
Après une tournée dans l’ensemble du bâtiment du réacteur n°1, les inspecteurs ont visité le bâtiment des auxiliaires de sauvegarde (BAS) ainsi que le bâtiment de traitement des effluents (BTE). Ils ont également vérifié l’entreposage de l’aire des déchets très faiblement radioactifs (TFA) et fait effectuer une analyse de l’eau présente dans une des rétentions associées à cette aire. Ils se sont enfin intéressés à la zone dite « Pampa » où divers conteneurs de matériels et de produits utilisés par les prestataires notamment sont entreposés sans identification administrative spécifique (la zone est située hors périmètre INB).
A. Demandes d’actions correctives
Entreposage de conteneurs en zone « pampa »
Suite au contrôle de l’aire TFA, dont le colisage, les fiches d’action incendie et environnement et les débits de doses mesurés n’ont pas soulevé de remarques des inspecteurs, ces derniers se sont intéressés à une activité de colisage en cours dans deux conteneurs de la zone « pampa ».
Ce contrôle a mis en évidence la présence :
- d’une quantité significative de produits inflammables, qui semblait dépasser les 400 kg autorisés,
- de produits CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) non clairement identifiés sur la fiche d’entreposage qui ne faisait état que de risques multiples, sans précision,
- de rétentions inadaptées aux volumes présents (mais en cours de remplacement) et l’absence : d’analyse du risque incendie disponible lors de l’inspection et associée à cet entreposage, de conditions de manipulation adaptées aux produits entreposés, de FAI ou de FAE associées à la zone, de marquage sur des récipients/réservoirs placés à proximité, d’identification du régime administratif applicable à l’ensemble de la zone au regard des matériels, substances et volumes concernés. Au regard du retour d’expérience de l’accident « LUBRIZOL » et des derniers événements survenus sur le CNPE de Belleville concernant l’incendie (dont un a concerné l’incendie d’un barnum situé à proximité de cette zone), il apparaît nécessaire de déterminer rapidement et a minima, concernant la zone « pampa » :
- les volumes de produits inflammables et combustibles présents sur la zone et l’adéquation (ou non) de ces volumes avec les dispositions de prévention du risque incendie en place,
- la classification chimique des substances (et les volumes associés) présentes dans la zone (et ceci à tout moment),
- le régime administratif applicable à la zone dans son ensemble.
Demande A1 : je vous demande de prendre, sous un mois, toutes les dispositions qui s’imposent pour permettre une gestion de la zone « pampa » adaptée aux risques qu’elle comporte.
Demande A2 : je vous demande de rapidement rappeler à l’ensemble des intervenants (notamment les prestataires) présents sur le CNPE :
- le fondement de l’existence des RTR (Régimes de travail radiologique – document annexe),
- leur importance notamment du fait de l’identification des mesures à mettre en œuvre pour réduire l’exposition aux rayonnements ionisants,
- la nécessite d’enregistrer les actions réellement mises en œuvre et d’identifier celles ne correspondant pas à leur activité afin d’améliorer le suivi des chantiers,
- l’importance des relevés des débits de dose au poste de travail notamment pour s’assurer de l’absence de variation des débits de dose ambiants,
... Vous me rendrez compte des actions engagées en ce sens.
Lors du contrôle de terrain, les inspecteurs ont identifié concernant les RTR (Régimes de travail radiologique) :
- des chantiers en cours dont certaines dispositions de radioprotection ont été annoncées réalisées aux inspecteurs sans qu’elles soient identifiées (« cochées ») dans le RTR,
- des RTR entièrement renseignés (toutes les cases cochées) alors que certaines dispositions n’avaient pas encore été mises en œuvre,
- des RTR très génériques et de fait inadaptés à l’activité réellement en cours,
- des RTR renseignés manifestement sans réelle compréhension des éléments cochés,
- un RTR sans aucune recommandation pour un chantier pourtant réalisé en zone contaminante,
- des débits de dose au poste de travail non relevés, ou (dans un cas) très sensiblement inférieur à la valeur relevée par les inspecteurs,
- une méconnaissance complète de l’existence même d’exigences de radioprotection portées par le RTR (seul le code barre utile à l’entrée en zone est connu).
Suite aux écarts constatés par les inspecteurs lors de leur vérification de divers RTR, le 26 novembre 2020, ces derniers ont souhaité s’assurer, par sondage, de l’effectivité de la surveillance de ses prestataires que doit exercer EDF sur le sujet. S’ils ont pu vérifier, via l’analyse préalable et le programme de contrôle consultés, que la présence d’un RTR sur le chantier faisait effectivement partie des champs de contrôle de la surveillance des activités, les échanges qu’ils ont eus avec le métier concerné montrent que la compréhension dudit RTR par les intervenants, son utilité ou encore le sens des éléments qu’ils comportent ne font pas l’objet de contrôles. Il convient donc qu’EDF tire le retour d’expérience des constats faits par l’ASN sur le sujet.
L’inspection du 26 novembre 2020 a permis de mettre en évidence un zonage « DI82 » déficient au BTE (bâtiment de traitement des effluents). En effet, alors que cette zone doit servir de zone tampon entre un espace potentiellement contaminé et l’extérieur et doit être particulièrement bien entretenue et délimitée, les inspecteurs ont relevé :
- un état de propreté déficient,
- une absence de délimitation entre zone propre et zone potentiellement contaminée,
- un entassement de matériel à cheval sur la délimitation de la zone connue des inspecteurs.
À noter cependant que les frottis réalisés lors de l’inspection, pour dépistage, n’ont pas montré de contamination flagrante de la zone.
Ces écarts, identifiés en fin de visite décennale, doivent être rapidement corrigés pour éviter un relâchement excessif des intervenants qui leur fait perdre le sens même des dispositions de radioprotection des RTR qui sont la déclinaison de terrain du principe d’optimisation des doses du principe ALARA («As Low As Reasonnably Achievable» soit en français «Aussi bas que raisonnablement possible»).
Risque de contamination interne
Au cours des différents déplacements des inspecteurs, ceux-ci ont identifié plusieurs tuyaux d’air respirable dont les embouts traînaient au sol, dans des locaux potentiellement contaminés (LD0307, LC 0510). Cette situation peut être à l’origine de contamination interne des prochains utilisateurs desdits tuyaux d’air respirable.
Demande A6 : je vous demande de mettre en place des dispositions matérielles et organisationnelles pour permettre un entreposage adapté des flexibles d’air respirable en attente d’utilisation en zone contrôlée. Vous me préciserez les actions engagées en ce sens.
Demandes de compléments d’information
- Maintien des qualifications radioprotection des agents EDF et des prestataires : Bien que la formation à la radioprotection relève de l’employeur, il semble donc nécessaire qu’EDF (CNPE et services centraux) s’interroge sur le suivi et le contrôle des agents prestataires susceptibles d’intervenir sur des chantiers afin de s’assurer que leur connaissance en radioprotection soit suffisante pour leur propre protection comme pour celle des autres intervenants.
- État des matériels : Lors de leurs contrôles dans le BAS, les inspecteurs ont constaté que les portes JSL0313 et 306 PD étaient ouvertes alors qu’un affichage demandait leur fermeture pour gestion du confinement. Ces ouvertures ont déjà été identifiées lors d’une précédente inspection.
- Charge calorifique des locaux : Les travaux en cours dans le BTE, au titre du projet MRI (maîtrise du risque incendie), génèrent un entreposage évolutif en HQB0523LO dont la charge calorifique associée peut dépasser les 400 MJ/m² qui impose la réalisation d’une analyse du risque incendie spécifique.
- Entreposage au BTE : La consigne d’exploitation du BTE (D5370CO10277) précise les règles de gerbage des coques (sur 2 ou 3 niveaux au maximum) et des fûts dans les conteneurs mais ne fixe pas de règle concernant le gerbage des conteneurs. Le nombre de conteneurs empilés peut pourtant détériorer le sol du BTE et même induire des déformations du conteneur en contact avec le sol en fonction de la masse totale qu’il supportera ce qui, à terme, peut nuire au confinement des déchets contenus. Lors de l’inspection, un gerbage de conteneurs sur 4 niveaux a été constaté.
C3. Les inspecteurs ont noté que les gardiens en charge de la surveillance des accès et sorties du vestiaire chaud « hommes » pouvaient se retrouver en chaussettes dans la zone « mules ». Il vous revient de les sensibiliser au risque de dispersion de la contamination que cette situation est susceptible de générer. Ils ont également noté que les gardiens du vestiaire chaud n’avaient pas obligation de contrôler le port du dosimètre par les agents entrant en zone.
C5. Les inspecteurs ont pu constater l’absence de point chaud dans le vestiaire froid féminin du réacteur n°1. Ils ont également noté positivement l’arrêt d’un chantier, pendant l’inspection, pour cause de non identification des règles d’intervention.
C6. Alors que des dispositions sont en place dans les vestiaires hommes et au magasin pour permettre la décontamination virale (liée au Covid) des dosimètres opérationnels et des matériels empruntés, les inspecteurs ont constaté l’absence de moyen de décontamination des dosimètres opérationnels au BTE et au magasin SPR du bâtiment Sancerrois. Concernant ce bâtiment des moyens de décontamination ont été mis en place de manière réactive.