Abandon du surgénérateur Astrid, prototype de réacteur nucléaire français de quatrième génération
À la suite des réacteurs expérimentaux Rapsodie, Phénix (250 MWe) et Superphénix (1 240 MWe), le projet Astrid, prototype de puissance intermédiaire (600 MWe), avait pour objectif de démontrer la possibilité d'un passage au stade industriel de la filière des réacteurs à neutrons rapides au sodium.
Ce prototype était porté par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)1 et aurait été construit sur le site nucléaire de Marcoule
Après l’abandon du surgénérateur Astrid, la France doit mettre fin aux autres chimères nucléaires !
Communiqué du 5 septembre 2019 du réseau Sortir du nucléaire.org
Ce 29 août, un article du Monde dévoilait que le Commissariat à l’Énergie Atomique était en train d’abandonner le projet de surgénérateur Astrid. Le Réseau “Sortir du nucléaire“ se réjouit de cette nouvelle et appelle les pouvoirs publics à renoncer aux autres chimères nucléaires. L’abandon de cette filière doit aussi imposer l’arrêt de la production de plutonium à La Hague, option qu’exclut le Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs actuellement en débat.
Après ASTRID, abandonnons les autres projets nucléaires !
Depuis des années, nous dénoncions les risques liés à la prétendue "quatrième génération" de réacteurs à laquelle appartient ASTRID. Se présentant comme une innovation, ce projet n’était qu’un recyclage du surgénérateur Superphénix, démarré en 1986, arrêté en 1997 après 53 mois de fonctionnement cumulés et de nombreux déboires graves. Sa construction et son entretien avaient coûté 12 milliards d’euros et son démantèlement est actuellement un casse-tête. Comme Superphénix, ASTRID devait utiliser comme combustible du plutonium, toxique et radioactif, ainsi que du sodium, qui réagit violemment avec l’eau et s’enflamme au contact de l’air.
Si plus de 700 millions d’euros ont déjà été engloutis dans les travaux de conception d’ASTRID, on ne peut qu’applaudir cette décision d’abandonner le projet face à l’absurdité et aux risques d’une telle expérience qui aurait coûté entre 5 et 10 milliards d’euros. EDF serait inspiré d’en tirer leçon avec l’EPR de Flamanville ! Il faut souhaiter que cet argent public soit redirigé vers la recherche sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables, afin de permettre une transition énergétique permettant de sortir définitivement du nucléaire et d’agir résolument contre le changement climatique.
Comme l’EPR (notamment l’EPR "nouveau modèle") et ITER, ASTRID était une chimère destinée à entretenir l’illusion d’un avenir radieux pour une industrie nucléaire en déconfiture. Avec l’abandon de ce projet, cet horizon en trompe-l’oeil se déchire enfin : il faut maintenant en tirer des leçons et arrêter d’engloutir des milliards dans ces grands projets inutiles, imposés et dangereux !
L’abandon d’ASTRID, une occasion de mettre fin à la filière plutonium et de cesser le mensonge sur le statut des déchets
Les réacteurs de 4ème génération étaient censés fonctionner au plutonium. Cette perspective était l’une des raisons invoquées par la filière nucléaire pour légitimer le "retraitement" du combustible usé et donc la production et l’accumulation à l’usine de La Hague de quantités astronomiques de plutonium [1], présenté officiellement comme une "matière valorisable" [2]. Avec la fin du projet ASTRID, une des justifications pour l’accumulation de cette substance disparaît. Les autres utilisations (production d’arme nucléaire ou du combustible MOX, dangereux et polluant) sont tout aussi néfastes et inutiles et n’absorberont jamais le stock de plutonium. Orano doit arrêter de mentir : ce plutonium est un déchet, ni plus ni moins. Quant au "retraitement" du combustible, opération coûteuse, risquée et polluante, il est plus urgent que jamais d’y mettre fin.
Pourtant, alors que reprend le débat public sur le Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs, celui-ci, en accord avec les autorités, persiste à présenter le "retraitement" et la filière du plutonium comme intangibles, et ce alors même que l’abandon d’ASTRID était connu en interne depuis plusieurs années et aurait dû amener à prendre les devants. Nous dénonçons l’attitude d’une filière qui a toujours refusé de penser sa fin et préfère poursuivre la fuite en avant avec des options hasardeuses [3] plutôt que de tarir le flot de déchets radioactifs.
Contact presse :
Martial Chateau - 06 45 30 74 66
Pour en savoir plus, lire cette note de l’association Global Chance sur ASTRID :
Notes
[1] 61 tonnes selon un rapport d’Orano daté de 2017. Pour rappel, 6 kg de plutonium suffisent pour la fabrication d’une bombe nucléaire.
[2] Le plutonium n’est pas la seule substance à échapper abusivement à la classification de "déchet radioactif" : c’est également le cas de l’uranium appauvri. Dans d’autres pays (en Allemagne notamment), ces matières sont pourtant considérées comme des déchets.
Un schéma représentant la chaîne du combustible nucléaire et ce qu’il advient après le "retraitement" figure dans la brochure Déchets nucléaires, le casse-tête (2011).
Pour plus d’informations sur le devenir des matières "retraitées", consulter cette fiche réalisée par l’association Global Chance.
[3] Parmi ces options, on peut citer la tentative d’élargir l’utilisation de combustible MOX et le projet de construction d’une nouvelle piscine de stockage de combustible usé.